C’est donc sur un sentier souterrain de Lucis que le jeune prince court à vive allure cherchant à fuir ce qu’il vient de voir. Ce n’est pas l’altercation entre son frère et sa mère qui l’a blessé au plus profond de son cœur, malgré son jeune âge, le garçon savait que ça serait inévitable bien qu’il espérait que ce ne soit pas sa faute. Pourtant… Non, ce qui a blessé le garçon, ce sont bien les mots de sa mère. Percutant son esprit, déchirant son cœur, détruisant tout l’amour qu’il avait pour elle. À cet instant, il la déteste. N’est-ce pas violent de la bouche de sa mère d’entendre qu’elle vous préférez mort plutôt qu’un fin combattant et stratège comme ses frères aînés ? Les larmes lui piquant les yeux, Riskel ne cesse de courir. Ce n’est que lorsqu’il est épuisé qu’il cesse de courir. Alors qu’il tourne sur lui-même, Riskel se retrouve dans un endroit qu’il ne connaît pas. Rien de bien étonnant pour un jeune prince jamais sorti du château de sa famille. Ses cheveux argentés tombant sur ses épaules, sont emmêlés à cause de sa course effrénée. Sa pupille sombre analyse ce qui l’entourait. Levant le nez vers les pierres d’Ether, le jour va bientôt tomber. Il continue de marcher vers la destination qui lui semble être celle du retour, sans savoir qu’il creuse un peu plus son aventure loin de chez lui. Perdu, le jeune Riskel se retrouve vite dans la pénombre. Attachant ses cheveux en une queue de cheval haute à l’aide d’un élastique à son poignet, il se concentre sur ce qui l’entoure, comme le lui ont appris ses frères. Lucis, c’est chez lui, qu’est-ce qu’il pourrait bien lui arriver ? Alors que l’humidité de son domaine commence à lui donner la goutte au nez et à le faire grelotter, Riskel amène ses mains le long de ses bras pour garder jalousement la chaleur de son corps pour lui.

“Ça va aller Riskel. Sabas et Dregan vont te retrouver.”

Se murmure-t-il à lui-même pour se rassurer bien qu’il n’en soit franchement pas certain. Et si eux aussi se mettait à préférer sa mort plutôt que de l’avoir comme fardeau ? Soudainement, la température chute et Riskel semble prêt à mourir de froid. Il s'assit, lourdement fatigué, contre la roche et frissonne, gelé de la tête au pied. Alors que ses paupières commençaient à se fermer, il entend un grognement animal. Le prince rouvre vivement les yeux alors que son regard se pose sur un Lumiris. Les pupilles sombres du prince soutiennent celle du canidé qui le renifle de loin, méfiant. L’animal doit juger que le jeune prince est inoffensif parce qu’il s’approche de lui en douceur et vient lui renifler le visage à deux centimètres du jeune garçon. Ne bougeant pas, contrôlant sa crainte d’être dévoré par un Lumiris affamé, il le regarde du coin de l'œil. Puis, son corps frissonne, il met quelques secondes pour se rendre compte que c’est la sensation chaude de la langue du Lumiris le réchauffant qui le fait frissonner de la sorte. L’animal se colle au jeune garçon de tout son pelage. Cette nuit-là, Riskel s’endort réchauffé par un Lumiris croisé par hasard, et dort presque aussi bien que dans son lit de soie.

Lorsqu’il se réveille, son épiderme est frais mais pas froid. Ce n’est que grâce à la lumière simulée du jour par les pierres d’Ether que le garçon sait que l’aube est passé qu’il repère également une traînée rouge carmin dans le pelage du canidé. Maintenant qu’il a repéré ce qui ressemble à une blessure, l’enfant entend la respiration plaintive de l’animal qu’il n’entendait pas auparavant, trop préoccupé par sa propre situation. Une vague de culpabilité envahit le jeune prince.

“Je suis désolé.” Murmure-t-il alors qu’il pose délicatement ses doigts sur le flanc blessé du loup. Il voit également un peu mieux ses yeux. Les iris du Lumiris reflétaient les siens. La solitude. L’ignorance d’où est sa place. L’ignorance de qui il est. “Ne bouge pas.” Le gamin se redresse et pars en quête d’une fleur qu’il a cru voir la veille en traînant des pieds dans l’humidité de Lumis. Passant sa manche sur son nez coulant, il repère une Niméria qu’il cueille avec précaution. Allant chercher un peu d’eau qu’il arrive à mettre dans un récipient de fortune qui est plus un caillou creux, il y met les pétales et forme un cataplasme comme il a déjà vu faire un soigneur au château. Il pose sa préparation sur la plaie du loup, remarquant ainsi que c’est une morsure.

“Ça a l’air difficile chez toi, aussi.”

Un gémissement plaintif sort de la gorge du loup.

“Normalement, il faut aussi une infusion, mais j’ai pas de quoi faire chauffer de l’eau…” Suppliant Olin que ça suffise par la survie du loup, il s’assoit à son côté et lui gratte le museau.

Le lendemain, ça fait deux jours que Riskel était perdu loin de chez lui, et plus de vingt-quatre heures qu’il avait comme compagnie un animal sauvage qui se remettait aisément de sa plaie. Riskel commençait à avoir faim, mais les proies que parvenait à attraper le loup donnaient la nausée au jeune prince. On entendait des borborygmes venant du ventre du petit garçon. Alors que Riskel parlait au Lumiris comme à son habitude, lui parlant de ses rêves, de sa vie, de ses frères, de son épée brisée, il se met subitement un grogner, toutes dents dehors en direction d’un bruit de pas. Riskel se tut immédiatement se tenant à côté de l’animal qui commençait à laisser échapper une brume glaciale pour défendre son nouvel ami et sa propre vie. Ce n’est que lorsque Riskel reconnaît le visage de l’intrusion que le garçon intervient.

“Non ! Non ! C’est mon frère !” Déclare-t-il tout content.

“Riskel ! Par Olin !”

Le garçon se jette dans les bras de Dregan et enlace son frère aîné. Le regard de son frère se pose sur le Lumiris qui s’est assis observant la scène avec méfiance, prêt à intervenir si son ami-humanoïde se voit être en danger.

“Je te présente Thyos, mon ami !” Dit-il tout sourire à Dregan qui tend sa main vers le loup qui le renifle de loin et qui finit par coller son nez dans la main du vampire. Le ventre de Riskel se manifeste une autre fois, alors que dans un sourire tendre l’aîné tend de la viande séchée à Riskel qui la dévore. Quelques minutes plus tard, tous deux assis proches d’un point d’eau pendant que Thyos chassait plus loin un quelconque rongeur, une discussion s’entame entre les deux frères.

“Pourquoi t’es-tu enfuis ?”

Riskel hausse les épaules en mâchouillant encore de la viande séchée.

“... Je ne sais plus trop.”

Le regard de Dregan sonde son petit frère alors qu’il reprend. “Je ne veux pas que Sabas et maman se fâchent à cause de moi.” Dit-il finalement. Dregan hoche la tête avant d’hausser les épaules.

“Ils sont fâchés mais tu n’y es pour rien.”

Riskel lance un regard à son aîné, hoche la tête et pose son regard vers le ruisseau.

“Pourquoi préfère-t-elle que je sois mort plutôt que… comme vous ?”

Une ombre passe sur les pupilles de son aîné. Il est évident que cette phrase avait percuté Dregan tout autant que l’enfant.

“Elle n’aurait pas dû dire une telle chose et j’imagine que ce n’est pas non plus ce qu’elle a voulu dire. Depuis la mort de notre père, notre mère est convaincue que Sabas et moi, comme chaque personne qui n’est pas elle, ni toi, y sont pour quelque chose.”

Les sourcils de Riskel se froncent.

“Ça n’a pas de sens.”

Dregan hausse les épaules.

“Pour elle, si.”

L’enfant quitte le ruisseau du regard et regarde son aîné.

“Crois-tu que je sois un bâtard ?”

Une nouvelle ombre passe sur les iris de Dregan.

“Par Olin ! Riskel ! Non tu n’es pas un bâtard.”

Lui servant un regard incrédule, Riskel pose l’ultime question.

“Comment peux-tu savoir que je n’en suis pas un ?”

Dregan, dans un sourire taquin, répond à son petit frère en lui montrant son œil ouvert sur un vide bleu intense, blessure datant de son berceau.

“Tu as le même œil que Père.”

Riskel roule de son œil valide alors que Dregan lui sert un clin d'œil.

“Tu n’es pas un bâtard, Riskel. Tu es le fils de notre père, n'en déplaise à ceux qui en doutent.”

Rassuré, Riskel retourne chez lui en compagnie de son aîné et de son nouvel ami : Thyos. Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, Riskel trouve sur le bureau de sa chambre un paquet emballé avec un petit mot.

“Désolé. S.”

Il l’ouvre et découvre une nouvelle épée toute neuve. C’était sa deuxième épée. Il la regarde, la manie rapidement envoûtée par sa magnificence. S’il avait eu des difficultés à nommer sa lame précédente - qu’il avait fini par appeler Belladonna -, il n’a aucun doute pour cette deuxième lame. D’un sourire, il rejoint ses frères à l’extérieur avec sa nouvelle épée rangée à sa ceinture dans son fourreau tout neuf également. Enlaçant rapidement ses frères, il murmure de léger remerciement à Sabas qui répond par un hochement de tête.

“Alors, a-t-elle un nom, cette nouvelle lame ?” Dit-il dans un geste de la tête pointant l’épée à sa ceinture neuve. Riskel sourit et hoche la tête.

“Orpheline.”

Un nom qui en disait déjà beaucoup. Un silence qui en disait tout autant est suivi, cependant, pas de ceux lourds et gênant, mais plutôt détendu voire entendu. Puis, l’entraînement reprend avec Thyos qui les observe de loin.

Riskel n’a pas vu sa mère durant plusieurs jours, et il n’en parlait pas avec ses frères. Ce n’est que lorsqu’elle apparaît enfin dans sa chambre, regardant autour d’elle comme si elle n’avait pas le droit d’être là, qu’il la vit enfin depuis les mots entendu lui ayant déchiré le cœur. Thyos s’était redressé en sentant le jeune prince se crisper à la vue de sa génitrice.

“Oh ! Mon fils ! Tu es là. On doit faire vite.”

Riskel recule dans pas alors qu’elle s’avançait vers lui. Cela l’arrête sur le champ.

“Risk, on doit partir.”

Le garçon la sonde, d’un visage dur et froid.

“Pourquoi ?”

Alors qu’elle avance vers son benjamin, les grognements de Thyos derrière l’enfant la font s’arrêter de nouveau.

“Pour qu’on soit tous les deux… N’as-tu pas remarqué que je ne venais plus te voir ?”

Riskel hausse les épaules.

“Étant que tu me préfères morts et que je me préfère vivant…”

Elle grimace.

“Je n’aurai pas dû dire ça, mais… je ne peux pas laisser tes frères avoir la main mise sur toi… Tu es si pur.”

Riskel roule de son œil valide.

“Et moi, j’aimerai qu’on arrête de décider à ma place.” Peste-t-il en croisant les bras sur son torse. Sa mère hausse les deux sourcils, étonné d’entendre son benjamin manifester un tel ton avec elle. C’est à ce moment que Sabas et Dregan arrivent dans la chambre de l’enfant.

“Qu’est-ce que tu fais ici ?”

Riskel regarde ses frères en fronçant les sourcils.

“Elle vient me voir.”

Campé sur ses positions, le garçon s’avance d’un pas, suivi par le Lumiris.

"J’ai décidé que je veux voir ma mère, mais aussi mes frères.” Dit-il en regardant d’abord ses frères puis sa mère. La tête bien haute, il n’a pas l’intention de plier à ça.

“Je veux plus qu’on prenne de décision à ma place.”

La mère des trois frères allait prendre la parole, mais le jeune prince la coupe.

“Non, c’est moi qui parle maintenant.”

Le silence s’installe alors qu’il a les épaules droites, ainsi que son port de tête, confiant.

“Ce que tu as dis, n’est pas pardonnable, aussi j’ai décidé que je te verrai quand j’en aurai envie, plus quand tu auras décidé. Tu n’es plus en mesure de décider, Mère.”

Un hoquet s’échappe de la bouche de leur mère. Puis, se tournant vers ses frères, il reprend.

“Je n’ai rien avoir avec le conflit avec notre mère, c’est à vous de le régler ou pas. Moi, je veux juste être aussi fort que vous. Comme devrait être le prince de Lucis, et non comme un potentiel bâtard. Parce que j’en suis pas un.” Dit-il avec détermination. Les bras croisés sur son torse, le silence s’installe dans la chambre de l’enfant, avant que Sabas esquisse un sourire et hoche la tête.

“Ça va de soi, Altesse.”

Riskel tape le bras de son frère qui le taquine alors que les trois frères se mettent à rire, la mère restant dans son coin, témoin de la complicité entre eux trois malgré elle.

Riskel a dix ans, on dirait qu’il en a quatorze. Sa poussée de croissance a été pénible. Fatigue, saute d’humeur, douleurs osseuses par ci par là. Toutefois, il a encore cet air très juvénile qui contredit sa taille. En vue de sa croissance plutôt rapide, les rumeurs sur sa bâtardise diminuent drastiquement. Elles sont encore présentes, évidemment, et encore quelques téméraires insultent Riskel de la sorte.

“Pousse-toi, Bâtard.”

Le prince répondait par un sourire en coin, presque provoquant.

“Ça doit faire mal de se sentir autant inférieur à quelqu’un qui n’a pas encore eu sa transition : je comprends.”

Généralement, Riskel provoque une bagarre et si le prince n’est pas encore de taille à lutter, il prend ça comme des entraînements et se bat de mieux en mieux même contre des vampires avérés. Deux ou trois hématomes sur le visage, la bouche en sang, toussant par le souffle coupé des coups reçus à l’abdomen : Riskel se marre.

“T’es fou, Bâtard.” Dit le vainqueur alors qu’il s’éloigne de sa victime. Essuyant sa bouche de sa manche, il se relève avec difficulté. Riskel est physionomiste, il sait qu’il n’oubliera pas son visage et qu’il ne perd rien pour attendre : c’est bien ça qui le fait rire. Parce qu’à aucun moment, Riskel craint sa transition. Il l’attend juste avec impatience.

Un soir, Riskel surprend Thyos qui regarde l’extérieur et sur l’horizon avec envie. Le jeune prince de douze ans s’accroupit à côté de lui et lui gratta son oreille.

“Il est temps que tu prennes ton envol, mon vieux. Que tu fasses ta propre meute.”

Thyos regarde le jeune vampire d’un air sceptique.

“Ça ira pour moi, tu le sais bien.”

Peu convaincu, le canidé cale son museau dans la main du prince. Il savait, Thyos, que Riskel se sentait mis de côté : comme si ses frères le jugeaient incapables de se mêler des affaires politiques de Rakta, voire de Lucis uniquement. Bien sûr, il est encore jeune mais lorsqu’il pose des questions Sabas restent évasifs. Peut-être n’est-ce pas volontaire, mais Riskel ne le supporte pas vraiment.

“Ça ira, mon vieux. C’est à toi de faire ta vie maintenant.”

D’un gémissement plaintif, Thyos offre une léchouille sur la joue du prince et le soir même, Riskel raccompagne Thyos dans des adieux déchirants.

Dix-huit ans, la vie du prince est terne et monocorde. D’un ennui mortel. Sa transition, il finit par en rêver sans l’attendre. Il sait qu’il a encore en moyenne sept ans à attendre, mais c’est d’une longueur sans nom. Alors pour pimenter tout ça, il s’incruste dans des soirées, presque chaque soir. En plus des entraînements de moins en moins assurés par ses frères - occupés avec de la politique - Riskel a des cernes sous les yeux, ce qui ne l’empêche pas de charmer la demoiselle au bar. L’une de ses nombreuses conquêtes. Déjà à dix-huit ans, Riskel n’a pas à rougir de son charme, transition ou non. Être un prince, avec rumeur de bâtardise ou non, ne change rien, bien au contraire. Après un cri de jouissance de sa partenaire, Riskel reste allongé à côté d’elle, caressant son tatouage dans le dos. Un serpent et une lune, en rapport à leur religion, à Olin et à l’Obscuro.

“Raconte moi la légende…” Demande-t-elle alors qu’il sourit en coin.

“Encore ?”

Elle hoche la tête en souriant à son tour.

“Eh bien, la légende dit que l’Obscuro serait un bébé d’un serpent-géant destinée à veiller sur la lune et donc sur Olin.”

Elle lui tape le bras en riant.

“Tu la racontais mieux tout à l’heure.”

Haussant les épaules nonchalamment, il ne se défait pas de son sourire amusé.

“Parce que tout à l’heure je voulais autre chose.” Dit-il avant de se pencher vers elle et de l’embrasser avec désir. Baiser auquel elle succombe une deuxième fois et auquel elle succombera une troisième fois deux heures plus tard.

Encore quatre ans à attendre sa transition. Riskel devient de plus en plus impatient, mais ne montre jamais ses émotions négatives. Intériorisant ses états d’âme, il s’entraîne toute la journée, évacuant sa rage dans les coups qu’il peut donner à de vulgaires pantins de bois. La chaleur envahit son corps, sans qu’il ne s’arrête pour autant. Pourtant, elle devient vite suffocante. Est-il malade ?

“Alors, petit frère ? On perd de l’endurance à force de sortir le soir ?”

Un sourire en coin, Dregan taquine son cadet.

“Il fait chaud non ?”

Haletant, la sueur tombant sur son front, Riskel lâche son épée quand une vive douleur dans la bouche se fait sentir ainsi que deux trucs le gênant. Alors qu’il crache ce qu’il a dans la bouche, il récupère ses deux canines dans sa main avec un crachat de sang. C’est maintenant. Il semble avoir perdu connaissance quelques minutes, puisque lorsqu’il rouvre les yeux, il est dans son lit, un soigneur à ses côtés.

“Buvez ça, Altesse.”

Il fronce les sourcils.

“Qu’est-ce ?”

“C’est pour atténuer la douleur.”

Riskel secoue la tête.

“J’en veux pas.”

Le soigneur pince ses lèvres.

“Vous devriez…”

Riskel le fusille du regard avant de gronder.

“J’ai dis non.”

Il voulait sentir chaque changement de son corps, il voulait tout ressentir. S’il devait mourir, il voulait voir la mort en face.

“Vous allez avoir mal.”

“Alors je vais crier.”

“Vous allez avoir beaucoup mal.”

“Alors, je vais beaucoup crier.”

Le soigneur cesse de débattre et hoche la tête. Ainsi, le jeune prince subit sa transition. Que ce soit la repousse de ses canines, puis le sang coulant dans sa gorge par la suite lors de sa première morsure sur une prêtresse, ses os craquer et se ressouder, sa peau se distendre et ses muscles se déchirer devant une poussée de croissance hors norme, ses sens deviennent plus précis, plus sensibles se cassant lui même les oreilles lors de ses cris de douleur. Tout cela pour que ça se termine sur un vampire de deux mètres et trois centimètres, et 92 kilos.

Le voilà devenu vampire depuis déjà quelques années. Sa vie est toujours aussi terne et ennuyeuse. Sabas ne semble guère déterminé à partager les affaires de Lucis ou de Rakta avec son plus jeune frère. Se sentant mis de côté, le plus jeune des frères s'entraîne seul et surtout il commence à voyager dans leur pays. Il s’amuse, prend du bon temps. Allant de pub en pub, visitant Rakta dans son intégralité, le jeune vampire se découvre un certain talent pour faire parler les plus bavards sans avoir besoin d’user de n’importe quel stratagème. Friand des ragots dans le pays, il commence aussi à tendre les oreilles. Naturellement, Riskel devient informé de tout ce qu’il se passe dans Rakta, parfois même au-delà des frontières. Riskel revenait souvent au sein du château qui l’a vu grandir avec des nouvelles à rapporter à ses frères. Il revenait principalement pour les Solstices d’Hiver et d’Été ainsi que les Équinoxes, puisque ce sont toujours des fêtes que le jeune prince ne rate jamais. Faut dire qu’il ne rate jamais une occasion de boire et de s’aventurer dans les lits de personnes charmantes. Cependant, un soir, Riskel surprend une fin de réunion entre ses frères et la cour de Lucis. Cela faisait six ans qu’il avait transité, mais aucune reconnaissance de la part de ses frères. Ne disant jusque là, Riskel sentait la colère grimper en lui.

“Suis-je de trop ?”

Devant le ton peu orthodoxe du jeune prince, Sabas et Dregan congédient les regards curieux.

“Pardon ?”

Riskel roule de son œil valide.

“Suis-je de trop ?” Répète-t-il avec plus de vigueur.

“Je crains de ne pas comprendre de quoi tu parles.”

Riskel refoule un grognement avant de reprendre.

“As-tu réellement pas besoin de moi pour les affaires du royaume ou suis-je pas assez… quoique ce soit pour ne pas en être mêlé ?”

Ses aînés le regardent, le sondent comme s’il avait dit une ânerie. C’est un ressenti que le jeune prince possède depuis des années, ils n’avaient pas le droit de le regarder comme s’il disait n’importe quoi.

“Je te donne toutes les informations que je peux recevoir dans tout le royaume, je te montre que je peux faire pencher la balance depuis au moins cinq ans. Pourquoi tu ne me laisses pas ma chance ?!”

Dregan et Sabas se lancent un regard entendu, ce qui parvient à apaiser le jeune prince dans l’immédiat.

“Nous attendions que tu sois prêt, Riskel. On n’a jamais cherché à t’écarter.”

Le benjamin a les épaules qui s’affaissent devant cette vérité. Il s’était monté la tête, certaines dû aux constantes comparaisons avec ses frères qu’il entendait, ou à cette rumeur qu’il n’était pas entièrement leur frère.

“Dregan dit vrai. D’ailleurs, tes rapports de ces dernières années m’ont convaincu du rôle que je souhaitais te donner. Assieds-toi.”

Riskel obéit. Puis, ils passent bien quelques petites heures à discuter de l’avenir du pays et du nouveau rôle du benjamin de la fratrie. Riskel avait sa place. Il l’a toujours eu.&

C’est ainsi que les voyages de Riskel commencent avec un but. Le plus simple était de commencer sa quête par Athanatos. Alors, c'est là-bas que le jeune vampire a commencé à traîner. Avec connaissance de cause que les Immortels ont une aversion pour les Vampires. Ainsi, le jeune prince prenait des risques, de grands risques pour sa première partie de la mission. Cherchait-il à prouver à ses frères qu’il était de taille ? Certainement. Ses compagnons et lui passent aisément à la frontière se trouvant dans la cour de l’Aube. C’est tout aussi aisément qu’ils se font arrêter. Il a été facile pour les autres de reconnaître le jeune sympathe de par ses cheveux entre autres.

“C’est un Sympathe !” Avait-il entendu. Un sourire en coin s’était affiché.

“Pour vous servir.” Avait-il dit. Après avoir essuyé quelques insultes racistes envers sa race, le jeune prince avait simplement haussé les épaules.

“Je crains qu’il y ait un manque de connaissance à notre égard. De toute façon, ce n’est pas à vous que je veux parler, mais à votre Seigneur.”

Au départ, les compagnons de Riskel et lui-même furent mis dans une cellule. Ce qui convenait étant l’obscurité qui y régnait. Savoir combien de temps était-il enfermé est quasi-impossible mais il ne perd pas de sa fougue d’arrogance pour autant. Au bout de plusieurs jours, on finit par lui accorder l’audience souhaitée. Il est évident que le Seigneur n’était guère seul, accompagné de son conseil. Riskel aurait souhaité que Sabas s’entoure de la même manière, évidemment.

“Mon Seigneur.” Dit-il dans une révérence.

“Qui es-tu ?” Tonne-t-il d’une voix grave, sèche et sonore.

“Je suis Riskel Von Seggern, prince de Lucis, Mon Seigneur.”<

Un sourcil s’arque sur le visage de l’Immortel.

“Qu’est-ce qu’un foutu buveur de sang vient s’aventurer à ma cour ?”

Riskel réprime un sourire.

“Rien d’offensif, Mon Seigneur. Bien au contraire. Je suis en mission diplomatique afin de vous rencontrer.”

Méfiant malgré tout, le Seigneur invite Riskel à poursuivre.

“Mon frère, Roi des Sympathe, ainsi que notre Souverain, estiment qu’il est tant que Rakta s’ouvre au monde. Pour cela, nous souhaitons établir une ligne marchande avec nos voisins, Athanatos.”

Le Seigneur de la cour d’Aube fronce les sourcils.

De quoi pourrions-nous avoir besoin qu’il vienne de vous ? Du Sang ?”

Riskel s’attendait à cette question.

“Le sang ? Je crains qu’on préfère le garder pour nous.” Dit-il avec un élan d’humour. Le jeune prince enchaîne avec quelques biens que possède Rakta qui pourrait intéresser les Immortels. Des détails qu’il avait vu au préalable avec son frère, évidemment. Les négociations s’enchaînent. Riskel ne parvient pas à gagner le droit de passage sur Athanatos mais parvient à obtenir un accord diplomatique qui sonne comme un bon début.

“Très bien, Mon Seigneur, j’apporterai les conditions de cet accord à mon frère. Nous vous tiendrons au courant de la décision finale le plus rapidement qu’il soit.”

Le Seigneur incline la tête.

“Je parlerai de votre cause à mes compères, ainsi qu’à notre Roi.”

Une dernière révérence en guise de remerciement, les négociations se terminent.

“Je vous inviterai bien à dîner avant de vous laisser repartir, mais nous n’avons guère de sang frais pour vous, Altesse de Lucis.”

Riskel affiche un énième sourire.

“En fait, on se nourrit également de nourriture dîtes classiques.”

Ainsi, les compagnons de Riskel et lui-même dînent à la cour du Seigneur de l’Aube avant de pouvoir retourner à Lucis où il fait un rapport à ses frères.

Cette mission est une réussite bien que ce ne soit pas satisfaisant pour Riskel. Le fait qu’il n’a pas réussi à négocier un droit de passage à travers Athanatos sonne comme une défaite. Toutefois, il sait qu’il a encore un espoir de pouvoir ouvrir Rakta aux mondes et non uniquement aux voisins du royaume. Cependant, peu enclin à vivre dans un cachot une seconde fois, le jeune prince apprend de ses erreurs et une fois que le moyen de passer les fleuves dangereux à la frontière avec Khelber, Riskel décide de se couper les cheveux dans une coupe assez courte , voire rasée sur les côtés et se les teints avec un peu de charbon, ainsi il ne ressemble en rien à un Sympathe qui sont reconnaissable entre mille. Ainsi, Riskel parvient à passer sur le territoire de Khelber et a demandé une audience avec leur roi sans passer par la case prison. Riskel y négocie un droit de traverser la frontière ainsi qu’un traité de non-agression entre les deux peuples. Une réussite, incontestablement.

Le jeune prince voit du pays, apprend à connaître Khelber, Continuant sa quête, bien qu’elle lui prend plusieurs années, le jeune espion vient, s’en va et revient sur l’île de Pasea. Il apprend à connaître les Shtrigue. C’est ici que le jeune vampire entend tout ce qu’il se passe à Eol. C’est le cœur du royaume, bien qu’on aurait pu penser que c’était Azoven. Toutefois, Riskel n’est pas suffisamment fou pour se rendre à Azoven où la magie y est interdite. Il serait embroché avant même d’y poser le pied. C’est donc sans s’arrêter réellement pour les négociations avec Pasea qu’il continue sa route vers Izirid.

Izirid, Riskel rêvait de la voir. Un royaume qui avait de quoi faire rêver le jeune prince. Les négociations avec Izirid ont commencé, il y a bien des années. Les dragons et les vampires s’entendent assez bien. Et pour cause, Riskel y travaille dur depuis qu'il occupe son poste au sein de la cour. Le jeune prince était attendu dans un peu plus de temps pour négocier les termes du contrat avec le conseil régnant sur Izirid. Depuis plusieurs années, les Du’rans sont accueillis avec joie à Rakta, et ce grâce à Riskel. Le jeune prince travaille dur sur l’accord entre les deux peuples. Toutefois, son arrivée prématurée est également calculée, lui permettant ainsi d’espionner tranquillement ce qu’il peut se passer à Izirid et avoir des coups d’avances. Lors de son entretien, Riskel élabore de précieuses négociations au nom de Sabas mais surtout de Rakta. Kabira, la prodigieuse cité d’Izirid, le jeune prince y passe l’accord qui scelle l’amitié entre les dragons et les buveurs de sang. Il revient même à Lucis avec quelques Du’rans avec qui ils fêtent l’accord une fois approuvé. Il n’est pas rare de voirs les Du’rans profiter des festivités régulières à Rakta : solstices, équinoxes, fêtes en tout genre. Ils sont généreusement invités par le prince Riskel Von Seggern de Lucis. Un travail qu’il continue d’élaborer entre les deux peuples durant de nombreuses années, des décennies, renforçant l’accord entre les deux royaumes.

Voyageant régulièrement entre Izirid et Rakta, le jeune prince s’arrête souvent à Pasea, où il apprend de nombreuses de choses.

“Des nouvelles de Pasea ?”

Riskel avachi sur sa chaise, s’ennuyant toujours lors de ces réunions où on lui accorde que quelques minutes de parole, lève son regard vers son frère.

“Le nouvel empereur prend place. Il parait qu’il aurait une politique bien différente de ses prédécesseurs.”

Un noble sur sa droite se penche vers le jeune prince.

“Mais encore ?”

Riskel hausse les épaules.

“J’attend de voir avant de dire que des négociations commerciales ou autres pourraient se faire. Mais l’empereur serait apte à accepter la magie sur son territoire.”

Ce fut tout. Riskel ne put en placer un mot par la suite étant donné que la discussion s’active, le débat est vorace. Riskel regarde Sabas, qui le regarde en retour comme s’il n’écoutait que d’une oreille.

“Bien, c’est réglé. On va attendre encore pour nous ouvrir à Azoven. Riskel, tiens nous au courant quand tu estime qu’ils seront prêts.”

Riskel hoche la tête. Fin de la réunion.

“Je devais aller à Azoven la semaine prochaine !”

Riskel, les sourcils froncés, contestait rarement une décision de son frère.

“Je crains que la sécurité interne de Rakta prédomine nos négociations externes.”

Sauf que Riskel n’était pas certain que ce soit réellement à lui de faire cette mission.

“Je suis doué dans ce que je fais. Pourquoi tu veux que je fasse autres choses ?”

Sabas soupire en se pinçant l’arrête du nez.

“Parce que tu es le seul en qui j’ai confiance avec Dregan et j’ai besoin de Dregan à mes côtés.”

Riskel fusille son frère du regard.

“Mais moi, non ?”

L’aîné regarde son petit frère d’un air blasé.

“Riskel…”

Le jeune prince secoue le visage en levant la main.

“Très bien. Je vais le faire.”

Avant que son frère ne prenne la peine de répondre, Riskel est déjà sorti. Par la suite, le jeune prince intègre la confrérie de la Dague Noire. Le jeune prince de Lucis n’a plus à obéir à son frère aîné mais il n’oublie pas sa mission : il est dans la confrérie pour une raison bien particulière, chercher la vérité.

Voilà quelques années que Riskel appartient à la confrérie. Il a fait ses preuves et semble être un membre loyal et de confiance à cette confrérie. Pour l’instant, il ne trouve rien à donner à Sabas mais la confiance vient simplement d’être donnée au jeune prince. Tout peut arriver à n’importe quel moment. Par ailleurs, le jeune prince va bientôt partir pour Azoven, une mission pour la confrérie en tant que protecteur de la race. Ils doivent partir en tant qu’éclaireur, tâter le terrain pour savoir à quel point la magie est tolérée ou non.

BONUS : Riskel avait environ 150 ans quand il rencontre cette jeune vampire. Par Olin qu’il l’a aimé. Elle était celle qui lui faisait relativiser sur l’amour, lui qui n’était jamais tombé amoureux. Il a même cru qu’elle était son âme sœur. Encore naïf parfois, le jeune prince a cru pouvoir l’épouser, faire d’elle ce qu’elle devait être. Jusqu’au jour où il découvre la triste vérité. Armée, elle cherchait à approcher la famille royale de Lucis pour finir le travail commencé 150 ans auparavant. C’est Riskel lui-même qui l’a tué dans un combat acharné. Il a disparu des mois à Izirid après ça, se jugeant comme un incapable, et mettant sa famille en danger.